Résumé exécutif

Le projet Politoscope observe depuis 2016 le militantisme politique sur X/feu-Twitter. Nous avons développé des méthodes pour analyser les dynamiques sociales et de débats, ainsi que les manipulations d’opinions.

Permettant de passer en accéléré ces dynamiques sociales, il est possible de caractériser un processus d’affaiblissement puis d’inversion du front républicain à l’approche des législatives de 2024 et d’identifier les stratégies de subversion qui l’ont favorisé. Ces stratégies de basse intensité, pilotées ou influencées pour la plupart par le Kremlin, se déploient sur des échelles de temps trop longues pour que les acteurs du débat en aient conscience. Elles visent à déstructurer la société française de manière systémique pour provoquer une transition vers une société fermée ou une démocratie illibérale.

Dans un contexte de reconfiguration brutale de l’espace politique suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, les efforts du Kremlin sont sur le point de payer. Cette étude identifie une convergence d’intérêts entre le régime de Poutine et l’extrême-droite française. Elle explicite certaines mesures actives mises en place par le Kremlin depuis au moins 2016 pour déstabiliser la société française et montre comment certaines d’entre-elles entrent en synergie ces jours-ci pour faire tomber voire s’inverser le front républicain. Ceci est la dernière étape avant la prise de contrôle de la France par des personnalités politiques moins hostiles au régime de Poutine.

Dans ce dispositif, les communautés politiques préoccupées par le conflit israélo-palestinien et la montée de l’antisémitisme ou de l’islamophobie sont instrumentalisées afin de compromettre tout barrage contre une extrême-droite banalisée au second tour des législatives.

"Minuit moins dix à l’horloge de Poutine Jusque-là, tout se passe comme prévu" David Chavalarias, CNRS, EHESS/CAMS & ISC-PIF Pre-print de l’Institut des Systèmes Complexes de Paris Île-de-France V3 - 3 Juillet 2024 https://nextcloud.iscpif.fr/index.php/s/eY5YqtbdbAKsiWe

  • oce 🐆@jlai.lu
    hexagon
    ·
    5 months ago

    Autre citation qui pourrait intéresser ceux qui ont été impactés par les images de la guerre à Gaza sur les réseaux :

    Mais en 2024, @FRN s’est déplacé sur la gauche pour intégrer la communauté LFI. Il s’est arrangé pour créer de nouvelles connexions de manière à y diffuser ses contenus, soit par re-tweets actifs, soit via la recommandation algorithmique (ex: X vous recommande “@Y à aimé ...” parce qu’il croit que @Y partage vos goûts).

    Le type de contenus que diffuse en continu @FRN pendant ces législatives de 2024 est extrêmement anxiogène et donc très adapté à cette stratégie (voir Partie II). Il s’agit exclusivement d’images et de vidéos des massacres perpétués par le gouvernement de Netanyahou à Gaza et de la crise humanitaire qui en découle. Contrairement aux Israéliens qui ont choisi de ne pas diffuser d’images des atrocités commises par le Hamas le 7 Octobre, Gaza est une scène d’horreur à ciel ouvert qui s’étire dans le temps. Les vidéos amateurs prises à la première personne sont innombrables et insoutenables, au point que le visionnage de quelques-unes provoque presque inévitablement des syndrômes de stress post-traumatique (PTSD). Impossible après cela de ne pas mettre sur la table le sort des Palestiniens à chaque prise de parole. C’est tout à la fois irréfrénable pour qui a été exposé à ce type de contenu et irrationnel pour une personne n’y ayant pas été directement exposée, quand bien même elle serait préoccupée par l’insoutenable diversité des crises humanitaires en cours à travers le monde.

    Voilà donc le couple de forces du moment et la fenêtre d’opportunité pour Vladimir Poutine. D’un côté le Kremlin s’efforce d’amplifier la perception des horreurs de Gaza auprès de la communauté LFI afin qu’elle impose le cadre du conflit israélo-palestinien aux législatives avec son corollaire sur la monté d’attitudes hostiles envers l’islam. Cela favorise sa radicalisation et, en conséquence, la polarisation politique entre extrême-gauche et extrême-droite. De l’autre les communautés juives traumatisées par le 7 Octobre et la droite ont été matraqués depuis des années par le narratif sur les « islamo-gauchistes » (qui ne peuvent qu’être antisémites) et l’équivalence « Nouveau front populaire = LFI ». Pour couronner le tout, la perception de la montée de l’antisémitisme et son caractère anxiogène ont été amplifiés par le Kremlin via des actions sur le territoire telles que les tags de l’étoile de David sur les murs de Paris et les tags de “mains rouges” sur le Mémorial de la Shoah.